Roger Landault

1919 — 1983

Roger Landault, né en 1919 dans le Paris d'après-guerre, fut bien plus qu'un simple designer : il fut un véritable alchimiste des formes et des matières, un artiste capable de capturer l'esprit de son temps pour le transfigurer en objets du quotidien. Formé aux Arts appliqués dès son adolescence, il prend en 1945 la direction artistique du Studium-Louvre, un lieu où se dessinaient les contours du monde moderne. C'est là, au cœur de ce creuset créatif, que son talent s'affirme, couronné par le premier prix du Concours du Meuble de France, une distinction qui ouvre les portes des grands éditeurs, dont ABC, et marque le début d'une carrière aussi prolifique qu'inspirée.

Son parcours créatif se lit comme un roman, où chaque décennie apporte son lot de métamorphoses. Dans les années 1950, alors que la France se reconstruit, Landault imagine des meubles qui incarnent cet élan de renouveau. La gamme Junior, sobre et fonctionnelle, répond aux besoins d'une époque en quête de simplicité et de solidité. Puis viennent Dakar et Rotterdam, des collections en bois massif qui lui vaudront le prestigieux Prix René-Gabriel, une consécration pour ce designer qui sait allier l'utilitaire à l'esthétique. Mais Landault n'est pas un homme de formules figées : il explore, il expérimente. Tantôt il s'inspire des lignes épurées du design scandinave, comme avec Chatelaine et Rio, tantôt il ose des audaces, à l'image de la coiffeuse Panama, dont les portes gainées de cuir apportent une touche de raffinement inattendu.

Les années 1960 et 1970 voient Landault embrasser avec enthousiasme les matériaux de son époque. Pour Steiner, il crée les tables Unibloc, des ensembles futuristes en plastique thermoformé, où banquettes intégrées et lignes fluides redéfinissent l'art de vivre à table. Avec Robert Sentou, il donne naissance à des chaises en chêne et osier, comme le modèle Ellipse, où la courbe du bois dialogue avec la douceur du cannage. Et puis, il y a cette collaboration avec Charles Steiner sur la ligne Super-Knoll, un hommage au design organique et fonctionnel, où chaque détail semble pensé pour épouser les gestes du quotidien.

Parmi ses réalisations, certaines pièces émergent comme des icônes discrètes de leur temps. Les chaises Antony, conçues pour la résidence universitaire Jean Zay, mêlent chêne clair et vinyle gris, un mariage de matières qui reflète l'optimisme d'une jeunesse en mouvement. La chaise 6517, éditée par Bouvier, incarne quant à elle l'élégance sobre du mobilier français de l'après-guerre. Et que dire des fauteuils Compas, en chêne et laine bouclée, où la rigueur géométrique des pieds compas épouse la douceur enveloppante de la laine, créant un équilibre parfait entre structure et confort ?

Roger Landault s'éteint en 1983, laissant derrière lui une œuvre qui transcende les époques. Son héritage n'est pas celui d'un style unique, mais celui d'une quête permanente, d'une capacité à voir dans chaque matériau, chaque technique, une nouvelle possibilité d'embellir le quotidien. Ses créations, à la fois artisanales et industrielles, portent en elles la trace d'un homme qui a su écouter son temps pour mieux le sublimer. Chaque pièce qu'il a conçue raconte une histoire : celle d'un designer qui, toute sa vie, a transformé les contraintes en opportunités et les objets en poésie silencieuse