l'Oeuf Centre d'Etude

1962 — 1998

Fondé en 1962 dans le Paris des Trente Glorieuses, L’Œuf, Centre d’Études fut bien plus qu’un atelier : ce fut un laboratoire créatif pluridisciplinaire, où architectes, sculpteurs, designers, graphistes et mosaïstes unirent leurs talents pour repenser l’art monumental et son intégration dans l’espace public. À l’origine de cette aventure, des figures comme Jean Piantanida, Pierre Puccinelli, Roger Brusetti, Charles Gianferrari, Maurice François, Annie Richard, et bien d’autres, qui partagèrent une même vision : celle d’un art accessible, innovant et ancré dans le quotidien.

L’Œuf se distingua par son approche expérimentale et collaborative, bousculant les codes traditionnels de la mosaïque et du décor architectural. Leurs réalisations, souvent monumentales, ornent encore aujourd’hui les halls d’immeubles, les ambassades, les centres administratifs et les espaces publics en France et à l’étranger. Ce qui fit la singularité de L’Œuf, ce fut leur maîtrise des matériaux et leur audace à les détourner. Aux côtés des traditionnels verres et pâtes de verre, ils intégrèrent des éléments inattendus : pierres dures, galets, marbres, calcaires, ardoises, bois, et même des métaux comme l’acier inoxydable, le nickel ou le chrome. Leur utilisation novatrice de l’opaline (un verre laiteux et irisé) et leur traitement des joints — transformés en éléments de composition à part entière — donnèrent naissance à des œuvres où couleur, texture et lumière dialoguaient avec une modernité rare.

Parmi leurs réalisations majeures, trois œuvres marquent particulièrement l’histoire du collectif :

  • La mosaïque du hall de l’Ambassade d’Afrique du Sud à Paris, un décor monumental où les motifs géométriques et les jeux de matière créent une atmosphère à la fois solennelle et chaleureuse.
  • Les décors de la résidence Pinel (13e arrondissement de Paris, 1966), une composition de 15 m² où les formes abstraites et les tons bleutés transportent le visiteur dans un univers à la fois graphique et onirique.
  • La mosaïque de la bibliothèque de l’IUT 1 de Saint-Martin-d’Hères (1973), une œuvre monumentale organisée autour d’un carré central, d’où rayonnent des figures géométriques aux angles arrondis, jouant avec l’asymétrie et les contrastes de couleurs.

Dans les années 1970, L’Œuf lança deux collections de papiers peints révolutionnaires sous le nom Créatone, qui connurent un succès retentissant. Ces créations, aujourd’hui disparues avec leur éditeur, restent des références incontournables du design de l’époque. Leur travail s’étendit aussi au mobilier urbain, aux luminaires (comme ceux conçus pour une filiale de Mazda), et même aux appareils sanitaires pour Villeroy & Boch, prouvant leur capacité à innover dans des domaines variés.

Pendant près de trois décennies, L’Œuf, Centre d’Études incarna un modèle unique de collégialité artistique, où chaque projet était le fruit d’une réflexion collective. Leurs mosaïques, souvent abstraites et géométriques, jouaient avec les formes, les matières et les couleurs pour créer des espaces où l’art devenait une expérience sensorielle. Leur influence se ressent encore dans des villes comme Grenoble, où leurs œuvres ornent le pied des Tours de l’Île Verte ou l’atrium de l’Hôtel de Ville, ou dans les campus universitaires, comme la bibliothèque de l’IUT 1 de Saint-Martin-d’Hères.

Disparu à la fin des années 1990, L’Œuf laisse derrière lui un héritage à la fois artistique et social : celui d’un collectif qui a su faire de l’art monumental un langage universel, joyeux, généreux et résolument moderne. Leurs créations, toujours visibles çà et là, rappellent que l’art peut être à la fois un ornement et une aventure partagée, une trace durable de l’audace et de la poésie des Trente Glorieuses