Raoul Guys
Dans le Paris des années cinquante, au moment où le métal, le verre et le béton annonçaient une modernité conquérante, Raoul Guys fit entendre une voix singulière. Ni théoricien bruyant ni figure académique, il choisit la voie discrète mais lumineuse du rotin, matériau humble, chaleureux, que ses mains et son regard savaient élever au rang d’art. Ses meubles, tissés de fibres claires et portés par des lignes de métal noir, respirent une élégance aérienne : bibliothèques comme en suspens, fauteuils souples où la lumière s’accroche, tables qui semblent flotter dans l’espace.
Éditeur autant que créateur, il était passeur de formes, compagnon de route d’Airborne et proche de Mathieu Matégot dont il exposait les tapisseries dans ses galeries de Paris et de Marseille. Mais plus que les noms et les alliances, ce qui demeure de lui, c’est cette alliance subtile entre artisanat et modernité : un art de l’équilibre où la rudesse de l’acier dialogue avec la souplesse de l’osier. Ses chaises « Antony », conçues pour la cité universitaire parisienne, témoignent encore de cette justesse : fonctionnelles et sculpturales, elles disent la même chose qu’un poème bref et précis.
Raoul Guys a laissé peu de traces biographiques, mais ses meubles suffisent à raconter son histoire. On y lit l’amour des matières simples, le goût de la légèreté, et ce refus de l’emphase qui fait les grands créateurs. Chaque assise, chaque étagère, chaque courbe de rotin porte encore aujourd’hui la mémoire de ce designer discret, dont l’élégance continue de dialoguer avec nos intérieurs comme une confidence chuchotée à travers le temps.