La revue de la céramique et du verre

AGENDA PARIS
septembre 2024

MIREILLE MOSER
TERRE EN LUMIÈRE
 

Lier la terre et le verre était un désir très ancien de Mireille Moser, céramiste drômoise. Quelques tentatives de rapprochement avec des verriers ayant échoué, elle en a abandonné l'idée jusqu'à ce que Guilhem Faget et Alexandre Goult, créateurs de la galerie Meubles et Lumières qui l'exposent en permanence depuis 12 ans, mettent entre ses mains une caisse de blocs de verre dépareillés, des casses de fonds de fours de verriers de Murano qu'ils gardaient depuis des années dans leurs entrepôts. « J'ai eu à ma disposition des masses de verre, de gros éclats. Une manne ! Un cadeau incroyablement stimulant. »

D'origine suisse, Mireille s'est formée très tôt, à 15 ans, dans les années 1970, à l'École des arts décoratifs de Genève, qui fut l'une des meilleures du monde pour la qualité de ses enseignants. « Ils avaient un bagage des années 1950 et j'ai été nourrie de l'esthétique des rapports de forme », précise-t-elle. Encouragée par les deux galeristes, elle a délaissé le vase pour la sculpture. Ses pièces de grès aux volumes nets teintés aux jus d'oxyde se caractérisent par une modernité intemporelle. Parfois monoblocs, elles peuvent aussi être composées en ensembles aux aplats d'émail nuancés, exprimant une certaine pensée de l'espace où se reconnaît l'influence lointaine de son maître Philippe Lambercy. Pour sa nouvelle exposition, Mireille a composé ses sculptures autour des blocs de verre. Transparents, teintés d'ivoire, de bleu ou de vert, ceux-ci ont été découpés, fragmentés et polis, et c'est à partir des formes obtenues qu'elle a conçu les volumes de grès, par insertion ou juxtaposition, émaillés en accord avec ces blocs diffractant la lumière. Lumière et ombre, lignes précises et volumes précieux, brillance et matité, jeux d'or, de nacre et d'eau, langue violette comme une coulée de lave, rochers aux couleurs impalpables du temps, volumes de terre soulevant comme une offrande un gros verre taillé, bloc d'or fiché par un heureux hasard dans une stèle géométrique au turquoise profond... : partout s'exprime un rapport imaginaire à la nature, fil conducteur de la céramique de Mireille Moser. En accord plus direct avec les objets de la galerie, une colonne haute de 1,40 m en trois cubes de grès noir superposés et striés de lignes vagues est ponctuée de trois gros éclats comme des diamants bruts. Cette sculpture unique accueille un système intérieur d'éclairage. Une alliance réussie de la forme et du chaos.

CAROLE ANDRÉANI